“Ici sont les dragons” par le Théâtre du soleil d’Ariane Mnouchkine

Pour les 60 ans du Théâtre du Soleil, sa fondatrice Ariane Mnouchkine, 85 ans, s’est lancée dans un nouveau projet ambitieux : Ici sont les dragons est une création collective en harmonie avec l’écrivaine Hélène Cixous et dirigée par Ariane Mnouchkine. Première Époque, 1917 : La Victoire était entre nos mains, est à voir jusqu’au 27 avril 2025 à la Cartoucherie à Vincennes.

 Laissons Ariane Mnouchkine nous en parler :

« Comment au XXIe siècle en arrive-t-on à la tentative d’invasion, d’asservissement, de destruction d’un pays indépendant, par une autre puissance ? Qu’est-ce qui, au cours des décennies, fabrique un dirigeant, je dirais un homme, tel que Vladimir Poutine ? Pour essayer de répondre à cette question, il nous fallait tenter de raconter, théâtralement, l’accouchement d’un système qui a changé le monde. Je devrais dire deux systèmes, car la guerre de 14 nourrira le nazisme autant que le bolchevisme. Peut-être, aussi, avec ce spectacle, imaginons-nous, très naïvement, ériger une sorte de barricade théâtrale contre les divers despotismes, totalitarismes et entêtements idéologiques, qui, aujourd’hui, nous menacent sur plusieurs fronts.

Nous nous sommes donc plongés dans l’Histoire et nous sommes rendu compte qu’il fallait pour raconter le 24 février 2022, remonter jusqu’en février 1917 ! La première époque de cette fresque qui (si les dieux du théâtre nous sont favorables) en comptera certainement plusieurs, couvrira les années 1917-1918. La deuxième, qui sera créée l’année prochaine, suivra et se déploiera, jusqu’en 1945, et ainsi de suite.

Cette première époque, sous-titrée La victoire était entre nos mains, d’après le titre du Tome 1 des Carnets de la Révolution russe de Nikolaï Soukhanov, l’un des fondateurs du Soviet de Petrograd, me paraît comme une espèce de dernier râle de la Révolution française, montrant comment l’Histoire régurgite ses monstres. Tant de séquelles subsistent des mensonges historiques inscrits de génération en génération. Nous nous servons des faits, des écrits, des discours réellement prononcés. Tout ce que disent les personnages a été effectivement prononcé ou écrit. Il nous revient d’en faire du théâtre, du vrai théâtre. »  (interview d’Ariane Mnouchkine par la revue « La Terrasse », septembre 2024)

« Dans une grande oeuvre, il y a toujours au moins deux intrigues, comme chez Shakespeare. Il y a d’abord la guerre. Celle de l’impérialisme des empires, quels qu’ils soient, qu’ils souhaitent gagner des territoires ou du pouvoir… Des empires totalitaires qui veulent gouverner le monde, religieusement, politiquement, financièrement… Cela provoque forcément des guerres.

Et il y a une autre guerre qui se joue alors, une guerre interne et larvée, entre ceux qui veulent se battre, qui ne veulent pas être soumis, qui défendent leurs valeurs, la liberté, un peu d’égalité et font tout pour un jour arriver à la fraternité, et ceux — particulièrement à l’oeuvre en ce moment — qui font tout pour qu’on laisse l’ogre progresser. Le pacifisme, la pacification, de nombreux termes sont employés, des justifications, de bonnes excuses, la peur etc., pour laisser les ogres progresser. « Surtout ne pas s’opposer ». Usant d’arguments très doux et raisonnables : la paix, la paix à tout prix ! Alors que l’on sait bien que la paix à tout prix, ça signifie la guerre à tout prix. Tout au long de cette période du XXe siècle sur laquelle nous allons travailler, il y a cette autre guerre. » (Ariane Mnouchkine, note aux acteurs, avril 2024)

Ici les dragons : un spectacle ambitieux et engagé à l’image de sa créatrice. Plus d’infos et billletterie sur le site du Théâtre du soleil